Sicile face à l’Etna : gouverner avec un volcan, bâtir la résilience
Le 2 juin au matin, l’Etna, l’un des volcans les plus actifs d’Europe, est entré en éruption. Le ciel s’est obscurci, la montagne a rugi. Pourtant, au pied du géant, personne ne cède à la panique. En Sicile, ce n’est pas la surprise qui domine, mais l’organisation. Car ici, on ne subit plus les colères de la terre : on s’y prépare, collectivement, avec méthode et sang-froid.
À 11h24, l’Observatoire national de géophysique et de volcanologie (INGV) détecte un flux pyroclastique intense, suivi d’une fontaine de lave et d’une colonne de cendres projetée à plus de 5000 mètres. Une scène digne des manuels de géologie. Et pourtant : l’aéroport de Catane reste ouvert, les routes ne sont pas saturées, les consignes d’urgence sont diffusées clairement par les radios locales. Une réponse reflétant le fruit d’un travail fait en amont. Plans d’évacuation révisés, protocoles d’alerte rodés, acteurs locaux formés ici, la gestion du risque n’est pas une procédure lointaine, mais une réalité intégrée à la vie quotidienne.
Quand la résilience devient citoyenne
Mais au-delà de la coordination institutionnelle, c’est la mobilisation des citoyens qui impressionne. À Nicolosi, des résidents formés prennent en charge les plus vulnérables, équipés de masques et de trousses de secours. Les écoles se transforment en abris temporaires. Des bénévoles assurent la logistique, distribuent de l’eau, rassurent, informent. Un réseau d’entraide se met en mouvement, silencieux mais efficace. Cette réaction n’est pas improvisée. Elle est le fruit de décennies d’apprentissage, de sensibilisation à l’école, de simulations répétées. En Sicile, vivre à l’ombre d’un volcan, c’est aussi apprendre à vivre debout, ensemble, face à l’imprévu.
Du Vésuve au Mont Cameroun : l’écho d’un défi mondial
L’exemple sicilien dépasse les frontières. Il trouve un écho frappant à des milliers de kilomètres, sur les pentes du Mont Cameroun. Là aussi, la terre a tremblé il y a quelques semaines. Là aussi, des villes comme Buea doivent composer avec un volcan capricieux et potentiellement destructeur. Et comme à Catane ou Nicolosi, la même question se pose, comment transformer la menace naturelle en défi gouvernable ? Comment bâtir des villes capables non seulement de résister, mais aussi de répondre avec calme, compétence et solidarité ?
Construire la résilience : trois piliers pour demain
Dans un monde de plus en plus exposé aux dérèglements climatiques et aux catastrophes naturelles, la résilience n’est plus une option. Elle devient une stratégie urbaine vitale, structurée autour de trois leviers essentiels :
– L’éducation au risque, dès le plus jeune âge, à l’école, dans les médias, par des exercices concrets, répétés ;
– La mobilisation communautaire, par la formation des comités de quartier, véritables sentinelles de terrain ;
– Une communication publique rapide et crédible, pour que l’information protège autant qu’elle éclaire ;
– Et surtout, un quatrième ingrédient : la confiance dans la capacité des populations à agir intelligemment, lorsqu’elles sont informées, préparées et considérées.
Ce jour-là, l’Etna a certes grondé. Mais personne n’a crié, la panique n’a pas gagné les rues. Parce qu’en Sicile, la culture du risque est une culture de vie. L’éruption fut spectaculaire, mais c’est la réponse humaine, ancrée dans l’intelligence collective et la gouvernance locale, qui force le respect. Pour les villes comme Buea, Goma ou même Naples, cette expérience envoie un message limpide : ce n’est pas la catastrophe qui crée la vulnérabilité, mais l’impréparation. Et face aux défis du XXIe siècle, la meilleure protection reste celle que l’on bâtit bien avant que la terre ne tremble.
By Cities Hebdo