Wouri-Bwelle, l’archipel des possibles : quand le Ngondo réveille mémoire et destin
Dans une ferveur rare et mémorable, le paisible village insulaire de Bwènè, niché au cœur du canton Wouri-Bwelle, a le 28 juin 2025, accueilli pour la première fois une escale de la prestigieuse caravane du Ngondo. Un événement inédit, porté par Moulongo Oscar, qui a transcendé le simple hommage culturel pour devenir un acte fort : une déclaration d’identité, une mise en lumière, un appel au réveil collectif. Une journée de célébration, oui mais surtout, un tournant pour un territoire trop longtemps resté à la marge. Et si, ce jour-là, l’histoire avait discrètement basculé ?
Ce samedi-là, les tambours et les chants traditionnels ont résonné jusqu’aux berges du fleuve, ravivant une mémoire que l’oubli menaçait. Le Ngondo, grande cérémonie des peuples Sawa, posait pour la première fois ses pas sacrés à Bwènè Oli, matrice silencieuse de l’histoire sawa. Présidée par Sa Majesté Mbappé Bwanga Mylord, et honorée par la présence du chef supérieur Edimo Alexandre, la cérémonie a réuni chefs traditionnels, responsables politiques, jeunes, diaspora et même des invités venus d’autres régions. Pour le Pr Narcisse Mouelle Kombi, ministre des Sports et fils du terroir, cette étape n’était pas que symbolique : « C’est une réconciliation avec notre mémoire. Wouri-Bwelle est un socle identitaire, un point d’ancrage pour l’avenir. »

Un homme, une vision : Moulongo Oscar, bâtisseur de sens
Derrière cette réussite historique, une figure s’impose : Moulongo Oscar. Homme d’affaires, mécène et président du comité d’organisation, il a su fédérer énergies locales, ressources privées et réseaux influents pour faire de cette journée une démonstration de cohésion. « J’ai écouté l’appel de mes ancêtres. Il fallait affirmer que Wouri-Bwelle est vivant, qu’il a encore quelque chose à dire à ce pays », a-t-il déclaré, ovationné par une foule en liesse. Pour les dignitaires présents, son engagement est plus qu’un hommage : c’est une vision en action, le trait d’union entre tradition et développement. Autour de cette impulsion, le village s’est transformé en scène vivante : tournoi de lutte traditionnelle remporté par le redoutable Ernest Moulongo, concours de tir à la corde, élection de Miss Wouri-Bwelle. Joëlle Caroline Dimouamoua, étudiante en comptabilité et nouvelle ambassadrice du canton, a su toucher par son éloquence et sa volonté : « Je veux prouver que la jeunesse peut incarner le renouveau. Ce n’est que le début. » Même Me Gérard Ngala, député du Nord-Ouest, a fait le déplacement. Son message ? La diversité culturelle est une richesse nationale : « J’ai pris la pirogue et la route pour vivre ce moment. Ce que je vois ici, c’est la force d’un peuple enraciné et ouvert. »Entre potentiel endormi et urgence de structuration
Mais derrière les danses, les symboles et les accolades, une question cruciale émerge : comment un territoire aussi riche en culture, en talents et en mémoire peut-il rester aussi peu structuré, aussi peu connecté à son propre avenir ? Wouri-Bwelle, archipel aux paysages saisissants, regorge de ressources humaines, d’un capital naturel exceptionnel et d’un patrimoine immatériel puissant. Pourtant, l’essentiel manque : routes, infrastructures, services de base. L’économie locale reste informelle, peu connectée aux circuits régionaux. Les jeunes s’en vont, les îles s’éteignent doucement. L’exode devient silence. Et pourtant, les élites existent. Le Pr Mouelle Kombi, le Dr Doube Maurice, le maire Lengue Malapa Jacques, sans oublier la diaspora engagée : tous affichent une volonté sincère de changement. Mais aujourd’hui, la bonne volonté ne suffit plus. Il faut un projet territorial concerté, une stratégie partagée entre institutions, entreprises, forces locales et diasporas. Il est temps de passer du rituel à la structuration. De la mémoire à la mise en œuvre.
Ne pas laisser retomber la ferveur : faire germer l’après
L’histoire retiendra cette escale du Ngondo comme un moment charnière, une éclaircie dans un ciel longtemps négligé. Mais sans suite, ce sera une simple parenthèse. Le territoire a reçu un signal fort. À lui maintenant de le traduire en vision, en infrastructures, en investissements ciblés, en politiques publiques audacieuses. Ce que le Ngondo a ravivé fierté, estime de soi, sentiment d’appartenance doit devenir moteur de transformation. Il faut miser sur la formation, l’entrepreneuriat local, le tourisme durable, l’économie bleue, l’agriculture insulaire. Il ne s’agit pas de transformer le canton en musée folklorique, mais en modèle vivant de développement insulaire intégré. Là où la culture inspire l’aménagement. Où la tradition devient levier de progrès. Cela demande un pacte de responsabilité territoriale : entre les élites et les jeunes, entre les anciens et la diaspora, entre les institutions et les bâtisseurs de terrain. Un pacte pour construire des ponts réels et symboliques entre les îles, les générations, les histoires et les avenirs.

Et si, finalement, le Ngondo à Bwènè n’était pas un aboutissement, mais un point de départ ? Au-delà des chants, des danses et des rites, c’est un appel profond qui a été lancé celui d’un territoire qui se sait riche, mais qui refuse désormais de rester silencieux. Wouri-Bwelle a tout pour se relever : une mémoire forte, une jeunesse vivante, des élites prêtes à s’engager. Il ne manque plus que l’essentiel : oser. Ensemble. Car les possibles ne demandent plus qu’à être saisis. L’histoire n’attend pas elle s’écrit avec ceux qui agissent. À nous de la poursuivre.
Danielle Hélène Ngondjo
 
 






 
            
