François, le pape des périphéries : un souffle argentin à Rome, une mémoire universelle
Rome perd un souffle. Buenos Aires pleure un fils. Le monde lui s’incline. Le pape François s’est éteint ce lundi 21 avril 2025, un lundi de Pâques. Comme un signe. La veille encore, il bénissait urbi et orbi, portait l’espérance depuis le balcon de Saint-Pierre. Le lendemain, il rejoignait la lumière. Discrètement. Comme il avait vécu, à hauteur d’homme.
Premier pape latino-américain. Fils d’immigrés. Pasteur des rues. Jorge Mario Bergoglio a porté une foi qui marche. Une foi qui descend. Qui traverse les quartiers oubliés, s’assied sur les bancs publics, écoute les voix des invisibles. Il a fait des trottoirs, le temple de son évangile, des périphéries son centre. Il ne gouvernait pas. Il accompagnait. Il ne trônait pas. Il marchait. Il voulait une Église qui touche avant de parler. Qui console avant de condamner.

De Lampedusa à Bangui, de Lesbos à Marseille, il a choisi l’action avant les dogmes. Le geste avant le discours. Un pontificat fait de pas, de mains tendues, de regards sans détour. Le pape François n’a jamais cherché à séduire. Il a toujours voulu servir. À Sainte-Marthe, il a refusé le faste. Il a choisi le concret. La sobriété. La proximité.
Le partage de sa gouvernance Synodale. Comme une ville qui écoute ses citoyens, construit avec eux, et laisse place à la diversité. Il rêvait d’une Église-village, d’un peuple en marche. À Rome, il a déplacé le centre. Aux périphéries, il a donné voix et visage.

Son premier voyage fut un manifeste : Lampedusa. Une île. Une frontière. Un cri. Il y a pleuré les migrants disparus. Là, il a posé le cap de son pontificat : aucune foi sans compassion, aucun Dieu sans justice, aucune Église sans les pauvres. À Bogota, il a prêché la paix. À Nairobi, la dignité. À Marseille, l’hospitalité. À Bangui, la réconciliation. Il n’était pas en visite. Il était en mission.
François n’était pas un chef. Il était un veilleur. Un frère. Un prophète des temps modernes. Il appelait les grandes villes à l’humanité. Non à la grandeur. Il invitait les nations à la fraternité. Pas à la puissance. Il interpellait nos sociétés depuis les marges : campements, prisons, hôpitaux, bidonvilles. Là où la foi devient action. Là où l’espoir se cultive.
Aujourd’hui, le monde lui rend plus qu’un hommage. Il salue son départ, et salue surtout son héritage. Pour Paul Biya, doyen des chefs d’État africains, « Avec le décès de Sa Sainteté le Pape François, survenu ce 21 avril 2025, l’Eglise Catholique vient de perdre l’un de ses plus fervents serviteurs et le monde, un partisan engagé de la paix et du progrès ». Vladimir Poutine rend hommage à « un dirigeant sage »et un « défenseur constant des hautes valeurs de l’humanisme et de la justice ». François Bayrou a salué la démarche “historique” d’un homme qui a enclenché selon le Premier ministre français un ” basculement au sein de l’Église” et déclare : « Ce qui était frappant quand on regardait vivre et agir le pape François, c’était qu’il n’avait peur de rien ». Emmanuel Macron salue « la vocation d’un homme qui tout au long de sa vie s’est battu pour plus de justice et pour une certaine idée de l’humanité, une humanité fraternelle ». Donald Trump, annonçant qu’il se rendra à Rome pour les obsèques du souverain pontife, avait quant à lui publié un court message sur sa plate-forme Truth Social : « Repose en paix, pape François ! Que Dieu te bénisse, ainsi que tous ceux qui l’ont aimé ».
Rome perd un veilleur. Les villes, elles, gagnent un repère. L’Église perd un chef. Mais les peuples retrouvent un souffle. François s’en est allé. Mais son empreinte, elle, s’enracine. Dans les ruelles de Naples où la foi se partage en silence. Dans les favelas de Rio où l’espérance défie la misère. Dans les cités de Yaoundé où la jeunesse tient tête à l’oubli. Dans les couloirs de Calais où chaque pas de migrant est un appel. Dans chaque ville où la solidarité balbutie encore, il a inscrit un langage : celui du cœur. Son absence creuse un vide. Mais sa trace éclaire une voie. Une Église à hauteur d’homme. Un monde à hauteur d’âme.
François l’avait compris. Mieux, il l’a incarné. Il nous lègue une boussole : remettre l’humain au centre. Faire de la foi un moteur d’action. De la rue, un lieu sacré. De chaque périphérie, une promesse. Il laisse un vide. Mais aussi une voie. Celle d’une gouvernance plus solidaire, plus fraternelle, plus enracinée. Une gouvernance à hauteur de cœur. Comme lui.
By Cities Hebdo








